Le Perroquet Dans Sheperd’s Bush
Le perroquet qui occupe la place centrale est un passager qui s'attarde avec un air de philosophe savant. Il est une partie d'un monde bien à lui, plus grand que les proportions des immeubles qui sont au fond, comme souvent chez l' artiste. Contrairement à l'élégance fastueuse des perroquets, celui-ci est couleur de canard un peu sobre : habillé pour une visite du soir avec une élégance mesurée. On se demande s'il est venu converser et non répéter seulement ce qu'il entend. Ses pattes montrent qu'il n'est ni posé, ni perché. Dans son imagination visionnaire, Cristina Rodriguez représente en intentions rêvées, la maison, l'arbre, la barrière, déplacés et disjoints, un peu éloignés les uns des autres et chacun possédant son rêve intérieur – c'est une donnée essentielle de penser que tout élément songe, bien à part dans un espace à lui, sans renoncer au reste, mais exerçant sa présence dans un îlot qui émerge, avec sa couleur, son charme, sa puissance et son élan indépendants. Ainsi toute toile peut être un conte laissé à portée de notre imagination : l'enfant sur le toit va peut-être prendre le vélo, le perroquet s'avancera et entrera peut-être par une fenêtre , on s'y attend, en proie à la surprise, et la fable est une série de cartes à rejouer. Au cœur de cette attente d'une conclusion, nous participons aux rêves peints qui nous attirent. Et nous demeurons sous le charme, fascinés, comme devant des personnages de lanterne magique qui ont suspendu leur course et dont le parcours nous appelle en insistant.
Eric Levergeois
Philosophe
2015